Le 22 avril 1915, les troupes allemandes attaquent les alliés au nord d'Ypres en utilisant un gaz asphyxiant à base de chlore. Malgré les quelques protestations indignées initiales, les Alliés adoptent rapidement eux aussi les gaz de combat. A partir de juillet 1917, des obus au gaz moutarde sont tirés.
Ypres étant le premier secteur où les Allemands ont essayé cette nouvelle arme, le gaz moutarde est également connu sous le nom '"ypérite". Ce gaz très dangereux brûle les muqueuses humides du corps et les yeux.
L'arme chimique aura en réalité peu d'impact sur le déroulement de la guerre. Elle vise avant tout à inspirer la terreur qui marquera des milliers d'anciens combattants jusqu'à la fin de leurs jours.
WILLI SIEBERT
Kassel, 15 juillet 1893 / Washington avril 1972
L'ancien étudiant en pharmacie Willi Siebert s'engage comme volontaire en 1914 dans le Reserve-Infanterie-Regiment n° 202. En août, son unité entre en Belgique. En novembre 1914, il découvre la vie des dans les tranchées. Il ne tarde toutefois pas à être appelé à Berlin en raison de ses connaissances en chimie et est associé à une nouvelle unité spéciale, le Pionierregiment 36. Il apprend à travailler avec du chlore. Le groupe est envoyé à Ypres en avril 1915 afin d'y préparer une attaque de grande envergure. Le 22 avril, on passe à l'action: les bonbonnes de chlore gazeux sont ouvertes.
Finalement, nous avons décidé de libérer le gaz. Le météorologue avait raison. C'était une belle journée, le soleil brillait. Là où il y avait de l’herbe, elle était d’un vert éclatant. Nous aurions dû aller pique-niquer, sans faire ce que nous allions faire. …
Nous avons renvoyé l'infanterie [allemande] et ouvert les vannes [de gaz] avec les cordes. Vers l'heure du souper, le gaz se dirigea vers les Français ; tout était calme comme de la pierre. Nous nous demandions tous ce qui allait se passer.
Alors que ce grand nuage de gaz gris vert se formait devant nous, nous avons soudain entendu les Français crier. En moins d’une minute, ils commencèrent avec le plus grand nombre de tirs de fusils et de mitrailleuses que j’aie jamais entendus. Chaque canon d'artillerie de campagne, chaque mitrailleuse, chaque fusil dont disposaient les Français devait tirer. Je n'avais jamais entendu un tel bruit.
La pluie de balles qui passait au-dessus de nos têtes était incroyable, mais elle n’arrêtait pas les gaz. Le vent a continué à déplacer le gaz vers les lignes françaises. Nous entendions les vaches brailler et les chevaux crier. Les Français continuent de tirer.
Ils ne pouvaient pas voir sur quoi ils tiraient. Au bout d'une quinzaine de minutes, les tirs ont commencé à cesser. Au bout d'une demi-heure, seulement des coups de feu occasionnels. Puis tout redevint calme.
Au bout d'un moment, l'air s'est éclairci et nous avons marché jusqu'aux bonbonnes de gaz vides. Tout ce que nous avons vu était mort. Plus un mouvement, plus un souffle de vie. Même la vermine était sorti de son trou pour mourir. Partout, des rats, des lapins et des souris crevés. Ca sentait encore le gaz. L'odeur s'accrochait aux quelques taillis qui étaient encore debout. Les tranchées françaises étaient désertes. Mais sur la centaine de mètres qui suivait, le sol était jonché de corps de Français asphyxiés. Un spectacle effroyable. Puis nous avons aussi vu les Anglais. A leurs visages et à leurs cous écorchés, on pouvait voir qu'ils avaient désespérément lutté pour continuer à respirer. Certains s'étaient suicidés en se tirant une balle. Dans les fermes, les chevaux étaient morts dans leurs écuries. Les vaches, les poules, tout et tout le monde était morts. Même les insectes.
Siebert sera lui-même touché par les gaz sur le front russe en septembre 1915. Il sera ensuite affecté à une fonction administrative à Berlin pour le reste de la guerre. En 1921, il émigrera aux États-Unis. Son fils Bill a fait don de son récit et de quelques documents au musée d'Ypres en 1998.
Merci de visiter le site de l'organisation pour l'interdiction des armes chimiques OPCW https://www.opcw.org/fr
Source:
Musée de la Première guerre mondiale - In Flanders Fields - Ypres, Belgique
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