Depuis des décennies, l'arsenal chimique russe suscite des inquiétudes au sein de la communauté internationale. Les récents événements survenus lors du conflit entre la Russie et l'Ukraine ont ravivé ces craintes, mettant en lumière l'utilisation d'armes incapacitantes telles que l'emploi de gazs lacrymogènes.
En effet, selon les forces ukrainiennes, les troupes russes auraient récemment employé des grenades K-51 contenant de la chloropicrine, un composé ayant des propriétés irritantes, lors de leurs attaques contre les positions de Kiev.
D'un autre côté, le ministère russe de la Défense a accusé les forces armées ukrainiennes d'avoir utilisé des grenades chimiques de fabrication américaine, prétendument remplies de gaz CS, contre les troupes russes. Le gaz CS est un agent chimique inflammable utilisé comme gaz lacrymogène, mais son utilisation comme arme de guerre est interdite par la convention des Nations unies sur les armes chimiques.
Ces incidents rappellent un sombre épisode : l'utilisation du Kolokol-1, un opioïde synthétique développé par l'Union soviétique dans les années 1970.
Le Kolokol-1 a été utilisé par les forces spéciales russes lors de l'assaut au théâtre de Moscou en octobre 2002, dans le but de mettre fin à une prise d'otages au cours de laquelle une cinquantaine de tchétchènes lourdement armés avaient pris environ 800 personnes en otage.
Cependant, l'issue de cette opération s'est révélée tragique, avec la mort de plus de 130 otages, principalement à cause de la mise en œuvre de cette substance incapacitante.
La composition exacte du Kolokol-1 reste un mystère, les autorités russes n'ayant jamais divulgué ses composants.
Des analyses indépendantes ont révélé la présence de deux opioïdes puissants, le carfentanil et le rémifentanil, au lieu des dérivés de fentanyl initialement suspectés. Ces substances, utilisées à des fins médicales comme anesthésiques sur de gros mammifères, ont été combinées dans un anesthésique halogéné, l'alothane, pour créer un aérosol incapacitant, ..."un brouillard gris" comme l'ont rapporté les rares survivants de l'époque.
Rappelons ici que le carfentanil ou carfentanyl, aussi connu comme le 4-carbométhoxyfentanyl, est un opioïde synthétique à l'effet 100 fois plus intense que le fentanyl et 10 000 fois plus intense que la morphine, ce qui en fait un des opioïdes les plus puissants disponibles dans le commerce.
Sa dose létale pour l'homme n'est que de 20 microgrammes.
L'alothane est quant à lui un anesthésique aujourd'hui abandonné par le monde médical en raison de ses forts risques secondaires et de la difficulté à maîtriser un dosage efficient.
Le développement du Kolokol-1 remonte aux années 1970, dans un centre de recherche secret de l'armée russe à Léningrad. Les tests de dispersion de la substance ont été effectués dans le métro de Moscou et de Novossibirsk, utilisant des méthodes controversées impliquant des bactéries inoffensives. De plus, des documents suggèrent que cette substance aurait été envisagée lors de la tentative de putsch de Moscou en 1991.
À l'issue de l'assaut tragique du théâtre de Moscou, les autorités russes ont tenté d'expliquer le nombre élevé de victimes parmi les otages en invoquant l'état d'épuisement de ces derniers après plusieurs jours de captivité. Cependant, l'utilisation d'un opioïde aussi puissant dans un environnement où de nombreux civils étaient présents soulève des questions sur les méthodes et les motivations derrière cette décision.
Les récents incidents impliquant des munitions incapacitantes lors du conflit en Ukraine mettent en lumière la persistance de cette menace.
L'utilisation d'armes chimiques, même à des fins incapacitantes, reste une violation grave des conventions internationales. La communauté internationale doit redoubler d'efforts pour surveiller et prévenir toute utilisation future d'armes chimiques, afin d'éviter une tragédie similaire à celle du théâtre de Moscou en 2002, que ce soit à l'encontre de civils mais aussi sur des théâtres de combat.
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